APPALACHIAN TRAIL
journal de marche - juillet
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1er juillet
Je suis à Salsbury (ml 1506) où de nouvelles chaussures m'attendent. Une TA qui fait l'intendance de son mari m'offre coca et tacos.
Si les 2 et 3 juillet sont de belles journées, avec TA, ravitaillement et abris, le 4 est un mauvais jour : il fait étouffant, la moindre pente m'épuise, j'ai mal à l'épaule. Onze jours sans zéro, c'est trop, j'avance dans le flou, à la limite du malaise. Je me réfugie dans un station-service : deux cafés et une heure plus tard j'appelle un Lyft pour aller à Bennington, jolie petite ville aérée avec de belles maisons et un clocher où les vautours sèchent leurs ailes le matin. Par contre la facture est salée, mais il me fallait ces deux jours de repos.
9 juillet
Je suis de nouveau fatigué et l'épaule tire méchamment. Je descends vers Rutland par une chaleur de bête pour voir à nouveau un ostéo qui va résoudre mon problème pour de bon. En fait, j'en ai passablement marre de ce trail où on ne voit que de la forêt et où les pierres et les racines empêchent tout progression normale. "Rocksylvania" comme ils disent de la Pennsylvanie. La chaleur moite des Appalaches, tellement plus pénible que celle, plus sèches, des autres trails, est un gros facteur de pénibilité. Je n'abandonne pas, mais je vais sauter une centaine de miles de cet enfer caillouteux et torride pour aller à l'entrée des Whites : de vraies montagnes enfin. Je vais aussi modifier mon plan de marche pour ralentir sensiblement et viser environ 27 km/jour : j'ai plusieurs fois été trop proche de l'épuisement.
13 - 17 juillet
La pierraille n'est pas finie, mais cela ressemble désormais plus à des rochers. Les montées deviennent plus raides, plus longues. Beau temps, avec des pluies l'après-midi, et des petits bains quand l'occasion s'en présente. Il fait toujours très chaud, au point que je dors parfois sans sac de couchage en dépit des moustiques qui ont fait leur apparition, heureusement en petit nombre et pas trop souvent : cela aura été une des bonnes surprises de l'AT.
Au Hikers Welcome hostel où je sèche un peu, je me laisse tenter par une journée de slackpack (sans sac) pour passer le très, très raide Kinsman. Une montée à 45° sur des rochers mouillés, du brouillard sur la lande alpine du haut, une très belle journée.
18 juillet
Les choses sérieuses commencent : j'aborde les Whites, couvertes de forêts touffues, humides, très belles. Montée à plus de 50°, il faut y mettre les mains : 4 h pour 9 km !
Pierres et racines ne sont pas finies, loin de là, mais il y a enfin de belles vues lorsqu'on atteint les landes alpines. Le camping est limité aux plates-formes aménagées et il faut le plus souvent réserver dans les refuges hors de prix et mal équipés du parc (150 $ !). Pour ce prix, il n'y a même pas de douches. Comme les Whites sont très fréquentés, il y a souvent foule le soir. Les repas, il est vrai, sont copieux.
23 juillet
Le mont Washington et le refuge du Lake of the Clouds, le seul où j'ai dû adapter mon calendrier à la fréquentation.
Les Whites, du 18 au 26 juillet, sont effectivement très belles, très pluvieuses, très glissantes, très chères, très nuageuses, bref très tout. La pluie et le brouillard embuent mes lunettes au point que je dois parfois les enlever pour voir quelque chose. Le Mt Washington, record du monde de vitesse de vent enregistrée, est envahi de touristes car la route et un funiculaire y arrivent, mais le chocolat chaud en haut est le bienvenu.
Je réalise un parcours lent et de luxe en m'arrêtant dans les refuges du parc après des journées de 16 à 10 km seulement, mais quels kilomètres ! Ils n'ont pas inventé les lacets par ici, et les dénivelés sont courts mais raides raides. Le chemin est, le plus souvent, une suite de rochers où l'on sautille de l'un à l'autre. C'est fréquemment de la grimpette et il peut y avoir du gaz. Le rocher est, lorsqu'il est sec, un granit franc et accrocheur. Par contre, lorsqu'il est humide, les lichens verts et noirs qui le recouvrent deviennent redoutablement glissants. Ainsi, ayant fait le mauvais choix de contourner un petit sommet après le refuge de Madisson le 24 juillet, j'ai mis 1h30 à parcourir un petit kilomètre sur un chemin presque effacé, encombré d'arbustes et horriblement glissant ; la descente suivante n'était d'ailleurs pas mieux, dans un chaos de blocs tout aussi glissants. La peur de faire une mauvaise chute, de se coincer un pied entre deux blocs, rend la progression pénible, stressante et lente. Les cairns sont nombreux et je ne trompe pas trop souvent ni trop longtemps de cheminement sur les grandes dalles dénudées.
Il y a beaucoup de monde. Les promeneurs saluent respectueusement les throughhikers et nous offrent parfois des douceurs.
M'étant trompé de chemin, je descends, jambes et genoux bien fatigués, à Gorham ; le stop ne marche pas sur cette route touristique, mais une navette passe et me dépose au très sympathique Barn Hostel. Repos, bonne bouffe italienne, lits profonds, café. Je renonce à regret aux Wildcats dans les nuages car je redoute cette section trop raide et glissante pour mes genoux dans l'état où ils sont.
28 juillet.
La journée le plus dure de l'AT à ce jour, 10h de montées et descentes bien raides, dont 1h30 d'acrobaties pour 1 Km dans le Mahoosuc Notch, un long chaos d'énormes blocs en fond de vallée où il faut escalader, sauter ou ramper sous les rochers. Moi qui croyais, en regardant la carte, bénéficier d'un petit sentier facile le long d'un torrent ! La dernière descente de 800 m est particulièrement éprouvante. En bas, un TA me requinque avant un stop facile jusqu'à un B&B à Betthel. Visiblement, le Maine ne sera pas plus rapide que les Whites ! je vais revoir mes plans en conséquence.
30 juillet.
Pour la première fois depuis les Whites, le chemin est facile, sans pièges. Je descends me ravitailler à Andover, tout petit village avec un General Store/resto et un hostel miteux et torride tenu par une très vieille dame.
31 juillet.
Pluie et chemin agréable. 17 ml tout de même. Bain dans le lac voisin.